.

 

.

Connaissez-vous Lo Moulis ? 

Un entretien de Gabriel Vittorio

.

.

En mars dernier, lors du festival « Poët Poët », Lo Moulis a investi la Petite Maison de Poésie. Sur la Coulée verte, dans le centre-ville de Nice, d’abord. Puis au parc Lécuyer, dans le quartier de l’Ariane. Par deux fois, elle a occupé ce petit espace intérieur. Elle l’a drapé de blanc, y a installé un vieux miroir, de petites bougies électriques, et y a murmuré des poèmes. J’ai été séduit par cet univers épuré. Comme une pause dans une pénombre apaisante, où se laisser bercer par des poèmes. Alors j’ai voulu en savoir davantage sur Lo Moulis. Sa vie, son parcours, son cheminement personnel et artistique, jusqu’à se retrouver locataire de la Petite Maison de Poésie.

Elle a accepté de répondre à mes questions, et je l’en remercie.

  • Je sais que c’est une question bateau, mais c’est une question que les gens éloignés de la poésie se posent souvent : comment as-tu découvert la poésie ? Est-ce que ta famille avait déjà cette culture-là ?

C’est pour moi une façon de percevoir le monde : une façon de flâner la vie… J’étais une enfant rêveuse. J’ai toujours été sensible à la poésie d’un film, d’une image, d’une phrase, d’une ambiance. La trace de l’air, infime, m’a toujours fascinée… La beauté où l’on ne l’attend pas.

  • Tu as donc été très tôt sollicitée par la poésie. Est-ce que l’école a eu un rôle ?

Je me souviens du « Cancre » de Prévert. Je regardais souvent par la fenêtre. La poésie scolaire me semblait un peu étriquée, elle ne m’ouvrait pas l’espace. La poésie qui me touche n’est pas celle-là. Pour moi elle se trouve dans ce qui nous échappe… ce qui surgit.

  • Comment es-tu venue à la poésie ? Est-ce que tu te souviens de ton premier poème ?

De la prose poétique, adolescente. Une écriture toujours très fluide, et abondante, automatique. Plus tard, j’ai beaucoup épuré, mis en forme.

  • Tu es aussi plasticienne. Comment s’articulent les deux pratiques artistiques chez toi ?

Deux langages pour un même espace, la même recherche : l’imperceptible dans le quotidien, ce qui brûle dedans, pour dire ce qui est vivant. Le geste (spontané, hâtif) et le mot, l’écriture dans sa forme et son sens. L’image et le mot. Aborder par côtés, avec une forme de négligence, de hâte, déjouer… (je ne sais toujours pas quoi).

  • Comment es-tu devenue plasticienne ?

Créative depuis… toujours. J’ai emprunté les chemins de traverse. J’entends par là les ateliers, cours du soir et une chambre à soi.
Un jour, l’atelier de gravure : une fulgurance. Un champ de possibilités infini s’est ouvert, en même temps qu’une nécessité impérieuse… Le reste est venu comme on déroule une pelote, doucement.

J’ai trouvé ce qui faisait sens parfois… au cours d’un travail sur moi et des formations professionnelles (« Praticienne d’atelier d’Expression créatrice » aux ateliers de l’Art cru, puis psychopraticienne) et … l’expérience d’être vivante… longtemps !!

« C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche » disait Pierre Soulages. Mon existence se situe entre l’expression poétique, artistique et la relation humaine. L’Autre m’appelle , la relation me sollicite : je viens dans la présence à l’autre. Le reste du temps, je flotte toujours un peu.

  • Du coup, tu as eu une vie professionnelle antérieure ?

J’ai été animatrice d’ateliers d’art plastique, bien avant les formations. Mais toujours dans une salopette bleue tachée de peinture et les mains sales…

  • Et désormais, un livre de poésie est en préparation. Comment s’est fait le chemin jusqu’à la publication de ton livre ?

J’ai écrit de nombreux textes il y a quelques années, que je voulais proposer à l’édition et travaillé à un projet de livre d’artiste. Finalement, le temps a passé, le travail ne me semblait plus aussi satisfaisant…

J’ai contribué à des anthologies, des revues, des livres d’artistes parfois. Le projet intérieur murissait doucement. « Je fais mon nid dans la lenteur du monde. »

J’ai eu un jour l’occasion de lire quelques-uns de mes textes en public. J’ai senti une vibration intérieure et j’ai vu dans certains regards qu’ils pouvaient être touchés.

Puis une rencontre s’est produite. J’ai proposé à un éditeur avec qui j’avais déjà collaboré (il avait aussi une galerie) mon exposition 2021 «De poussière et de pluie». Sa galerie n’était plus. Mais il m’a proposé un autre espace : celui d’un ouvrage complet (textes et accompagnement graphique) pour sa collection Imaginaires. Cela a pris plusieurs mois et nous y sommes presque… L’ouvrage est chez l’imprimeur.

  • Une autre question : comment as-tu vécu l’expérience du festival Poët Poët ? Est-ce que ça t’a plu d’habiter la Petite Maison? Qu’est-ce qui t’a plu dans cette expérience?

Le Festival est un évènement cher à mon coeur depuis que je le connais
Cette année je l’ai traversé de l’intérieur, en tant qu’intervenante. J’ai vécu des moments d’échanges au sein de l’équipe qui donnent à la poësie cette dimension humaine et chaleureuse.

La Petite Maison de Poësie est une expérience de partage dans la délicatesse. Une relation à l’autre dans la poésie (encore). Des robes légères qui frémissent au mouvement de l’air, au passage, un abri parsemé de points de lumière, quelques mèches de cheveux, des mots et images par petites touches, une pelote rouge, des ex-voto de cire…
Un cocon tranquille, mis à part, dans ce cube posé dans le jardin. Une mise en espace de ce qui m’habite, me touche. Des échanges riches et émouvants.

Le protocole de cette Petite Maison : on entre lorsqu’on a posé ses chaussures, puis gravi les galets de feutre blanc, comme un jardin japonais. On est invité à entrer lorsque la porte s’ouvre. Quand elle se referme, on attend que les yeux s’habituent à une certaine pénombre (le soleil était très brillant ces jours-là). Ce protocole offre donc la possibilité de renter dans le temps intérieur. Une atmosphère propice à offrir et accueillir l’intime, notre part de rêve…

Cette Petite Maison, comme un symbole de l’ espace du dedans, le mien et celui de chacun.

  • Eh bien, j’ai hâte de découvrir ce livre qui sera sans doute très beau, car j’ai beaucoup aimé les poèmes que tu as choisis pour la Petite Maison de Poésie. Merci, Lo Moulis, pour avoir accepté de répondre à mes questions, et de proposer quelques exemples de ton travail poétique et plastique.

 

© Gabriel Vittorio

.

.

.

.

 

.

.

 

 

.