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Salvinia Liber – Installation de Lo Moulis – Juin 2019

Intervention : Géophyte,  à titre de rhizome – Dans le cadre du Collectif No Made à la Villa Thuret – Cap d’Antibes

Pièces flottantes sur l’étang, crées à partir de matrices de gravure – Laissées à l’épreuve du temps, de l’eau, des climats – Installation éphémère

La Salvinia natans (signifie nageant, flottant), est une fougère d’eau, c’est une plante de surface. Cette espèce annuelle aquatique, présente en Europe et en Asie du Sud-Est : une des rares fougères aquatiques flottantes. 

Elle n’est pas rattachée à un rhizome fixe, ainsi la plante se déplace au gré des courants.

Cette espèce symbolise donc en même temps le lien, par ses frondes solidaires et le mouvement , celui de Thétis la Néréide en pleine métamorphose.

En effet, Thétis, en plus de sa gentillesse, est la plus belle des nymphes. Chevelure et aux pieds d’argent, elle est courtisée par les plus grands et les plus beaux dieux de l’Olympe. Zeus et Poséidon ont voulu l’épouser. 

Comme toutes les divinités de la mer elle a la possibilité de changer de forme à volonté, don qu’elle utilise pour tenter d’échapper à son futur vieil et mortel époux Pélée.

Elle devient ainsi lion, serpent, feu, arbre, eau rapide …

Cette forme de Thétis « au combat » contre Pélée, L’eau mouvante est évoquée par le rhizome flottant qui glisse sous le vent. 

Cette fougère évoque aussi  le paradoxe fertilité-pollution par sa nature : croissance très rapide , débutant à partir de petits fragments et doublant en population en très peu de jours, avec pour résultat le recouvrement de mares, réservoirs et lacs par un véritable tapis flottant.

Par sa figuration à la fois dans le matériau utilisé ici : le Tetrapack, emballage civilisationnel, la couleur argent de sa tige pour évoquer la chevelure de Thétis.

Ishtar la Déesse Mésopotamienne de l’Amour et de la sexualité ou Inanna chez les sumériens, est la déesse de vie et la fertilité mais aussi de l’amour physique et de la guerre – La Terrible et la Compatissante, la déesse du plaisir, de la liberté, du principe féminin ainsi que de la future immortalité, de la survie après la mort. Voluptueuse et belliqueuse à la fois. 

 On pourrait être tenté de mettre sur le compte de son androgynat et sur la partie masculine de celui-ci  son âme guerrière et exaltée, sa passion pour les armes. Ce serait certainement déloyal à l’égard des hommes, car elle semble fort bien assumer sa nature fière, orgueilleuse, impérieuse et séductrice en même temps. Elle est en même temps déesse de l’amour et de la guerre.

Un jour , donc, Ishtar s’endort au jardin. En guise de cache-sexe, elle a disposé devant elle la ceinture des sept pouvoirs. Mais Sukaletuda le jardinier amoureux l’avait épiée: « Il détacha le pagne protecteur, la baisa et la pénétra ». Lorsqu’elle se réveille, elle comprend que « son sexe a été outragé », cherche son agresseur, bien décidée à se venger; elle ne le trouve pas. De rage, elle change toute l’eau des puits et des réservoirs en sang.

Le choix de l’encrage rouge des matrices, frondes de la Salvinia Liber, mémoires scarifiées, dans les traces les empreintes les griffures, évocation de la colère et malédiction d’Ishtar.

Ishtar n’est pas un ange. Capricieuse, peut-être infidèle, armée d’une volonté de fer, ne pardonnant aucune injure, capable de pousser à l’extrême sa vengeance pour peu qu’elle soit offensée, elle est cependant capable de compassion, Déesse Mère, de pitié pour les créatures terrestres … 

Le temps peut adoucir ses fureurs comme il adoucit la couleur des frondes matricielles au fil des jours …

© Lo Moulis